Quand on a des enfants, il y a quelque chose qu'on supporte mal, en général, ce sont les critiques – ou parfois de simples regards de travers – de tierces personnes indiscrètes qui portent un jugement sur les principes d'éducation que vous tentez d'appliquer tant bien que mal à votre progéniture.
En contrepartie, si vous voulez rester en bons termes avec les autres parents que vous fréquentez, il est absolument indispensable de garder une parfaite neutralité au cas où vous assistez au spectacle de leur talent, ou de leurs lacunes, d'éducateur, et plus encore s'ils leur vient l'idée dangereuse de vous faire des confidences sur leurs difficultés éducatives, ou, pire, d'avoir l'air de vous demander conseil. Flairez le piège, restez sur vos gardes, surtout ne donnez pas votre avis, ayez l'air aussi indifférent que possible, toujours très compréhensif, tâchez de laisser penser que tout vous paraît normal, que vous aussi vous avez beaucoup de mal avec vos enfants, et, tout en faisant mine d'avoir déjà oublié ce dont on vous entretient, concluez d'un ton poli et vague sur une banalité du genre « ça va s'arranger », « c'est normal », « c'est une question de temps» ou bien « ça dépend des enfants, ils sont tous différents ».
Exemple n°1 :
Lundi matin, une jeune femme de mes connaissances s'effondre en larmes devant moi en expliquant qu'elle a été convoquée par la directrice de l'école de son fils, celui-ci ayant mordu jusqu'au sang l'oreille d'un de ses petits camarades de maternelle.
Mauvaise réponse : « Oh quelle brute, je me demande si Néron mordait ses petits camarades ? »
Bonne réponse (air un peu blasé, distrait, les yeux baissés pour dissimuler tout sentiment d'effroi) : « ah,oh, oui, ça arrive, c'est encore un enfant après tout. »
Exemple n°2 :
Hier matin, je reviens de l'école en compagnie du père d'une petite fille de l'établissement. J'apprends que jusqu'ici sa petite deuxième, un an et demi, réclamait deux biberons de lait chaque nuit. Il m'annonce fièrement que sa femme et lui ont, enfin, décidé que c'était terminé, avant de me demander si mes enfants, eux, dorment bien.
Mauvaise réponse : « Eh bien ce n'est pas trop tôt, je n'aurais jamais pu supporter cela, vous avez vécu un enfer ! »
Bonne réponse (en réprimant son envie de rire, sur un ton indifférent) : « Ah, oui, oh, c'est vrai, maintenant elle est grande, mais vous savez, parfois les miens font des petits cauchemars. »
Exemple °3 :
Je vous ai parlé de ces parents qui me prennent pour Wonder Woman. Je rencontre Madame hier après midi, toujours à la sortie de l'école. Elle espère que le bébé qu'elle attend sera aussi discipliné que mes enfants, qui tiennent bien la poussette pendant tout le trajet, tandis que son fils, lui, est très vif, et ne tient pas en place.
Mauvaise réponse : « Vous savez, s'ils sont sages c'est qu'ils n'ont pas le choix, je ne supporterais pas de devoir leur courir après dans la rue, c'est dangereux »
Bonne réponse (d'une voix modeste et pleine de sagesse) : « Oui, ça dépend des enfants, c'est vrai, il y en a de plus vifs que d'autres ».
Si vous suivez bien ces conseils, vous parviendrez à entretenir de bons contacts avec toutes vos relations. Ce n'est pas de l'hypocrisie, ce n'est pas du mensonge, c'est une question de survie en milieu parental. Et si, vraiment, vous en avez trop lourd sur le cœur, vous pouvez toujours tenir un blog. Ça soulage.