Hier, j'emmenais les enfants dans le petit supermarché situé non loin de chez nous, où nous avons nos habitudes depuis quelques années. Nous y croisons souvent le patron, qui a vu grandir les enfants depuis leur naissance et qui les gâte à l'occasion, ainsi qu'une caissière, Claire, qui y travaille depuis trois ou quatre ans.
Claire doit avoir trente-cinq ans environ. Au début elle s'occupait des fruits et légumes, nous avons noué contact au rayon primeurs. Célibataire, les cheveux courts, la silhouette assez large, revêtue du sweat bleu-roi peu seyant et très peu féminin qui est l'uniforme du magasin, souriante et bavarde, elle s'intéresse gentiment aux enfants lorsqu'ils m'accompagnent et les connait par leurs prénoms.
Depuis quelques mois nous la retrouvons assise derrière sa caisse, où, toujours aimable, elle me demande des nouvelles de toute la famille tandis que je dispose mes articles sur le tapis.
Hier, donc, les enfants m'accompagnaient, et la conversation s'est engagée, assez semblable à ce qu'elle peut être habituellement.
« C'est fou, ils ont tous les trois la même tête ! » me dit-elle des garçons, avant de leur demander leur âge. « Et la petite fille, ça va ? Comme elle grandit ! Cela va si vite. »
Les articles défilent sur le tapis, et du tapis dans mes sacs. Claire m'annonce le total, et tandis que je sors mon portefeuille, elle jette un coup d’œil sur ma fille dans la poussette et murmure d'un air attendri et plein d'espoir, comme une gentille bonne fée se penchant sur un berceau pour prodiguer ses dons les plus précieux :
« Ce sera peut-être un garçon manqué ! »
Je me suis souvenue qu'elle m'avait confié un jour l'avoir été elle-même, petite, et m'être dit alors que cela n'avait rien de très étonnant étant donné sa présentation et son allure actuelles.
C'est pourquoi je n'ai pas osé la décevoir en lui répliquant que je caresse d'autres rêves pour mon unique fille que de la voir devenir un garçon manqué...
Fée ou princesse ? J'hésite encore...