Il y a quelques jours j'ai rencontré une blogueuse mode.
Stelda, c'est la seule blogueuse mode que je lise régulièrement. Ses billets parfaitement bien écrits, instructifs et complets – Stelda n'est pas journaliste pour rien - sont une belle entrée en matière pour une néophyte comme moi dans le domaine de la mode, et son blog mérite bien le succès qu'il rencontre, d'autant qu'on devine derrière ses publications une personnalité sincère, riche et non dénuée d'humour à laquelle on s'attache au fil du temps et des billets. C'est grâce à elle, aussi, que j'ai découvert le blog Anacoluthe avant d'avoir le plaisir de faire la connaissance de son auteur.
Et puis un jour, Stelda s'est trouvée passer quelques jours près de chez moi. Autant vous dire que j'ai sauté sur l'occasion de lui proposer de nous rencontrer, et c'est ainsi qu'un après midi du mois de décembre, j'ai annoncé, ravie, à mon mari qu'il lui faudrait garder les enfants étant donné que j'avais rendez-vous une heure plus tard en ville avec Stelda, « tu sais, la blogueuse mode que je connais. »
C'est en prononçant ces mots que j'ai soudain pâli. Une blogueuse mode. J'allais rencontrer une blogueuse mode, et je n'avais pas la moindre idée de la façon dont j'allais m'habiller. Je n'avais pas de raison de douter de son indulgence et de sa gentillesse, mais tout de même, vous imaginez vous présenter à Cristina Cordula vêtu d'une composition aléatoire issue de votre armoire (votre dressing, pardon, personne n'a plus d'armoire à vêtements, ça ne se fait plus), avec un maquillage approximatif et zéro accessoire ? Mais enfin, ma chériiiie, ça n'est pas possible !
Bref. J'avais une demi-heure et zéro budget devant moi pour trouver une tenue, me coiffer et me maquiller afin de relever un défi digne des reines du shopping (pour ceux qui connaissent) : « Un rendez-vous avec une blogueuse mode ».
J'ai repris mes esprits et j'ai tâché de procéder avec ordre et méthode, ouvrant la porte de ma penderie, rangée, elle, sans ordre ni méthode. Ma robe grise, il me fallait ma robe grise. Impossible de trouver ma robe grise. Et plus que vingt-huit minutes ! Evidemment, ma robe grise venait juste de sortir du lave-linge. L'espace d'une seconde j'ai imaginé la sécher au sèche-cheveu, mais j'ai abandonné l'idée, de toute façon elle serait restée froissée. Bien-sûr c'était la seule chose que j'avais à me mettre. Je me suis rabattue sur ma robe bleue. Bonne idée. Sauf que... non. Pas du tout. Il faut vous dire que pour nous donner le moyen de nous reconnaître, j'avais précisé à Stelda que je porterais un chapeau rose. Impossible alors de porter du bleu roi sans commettre de faute de goût.
J'ai fini par me décider pour ma robe rouge, après moult hésitations sur l'accord robe rouge – chapeau rose. Mais vu que le rouge tirait sur le framboise, et que le chapeau s'accorderait avec mes collants grenat, j'ai enfilé la robe rouge.
Il restait douze minutes. Je me suis coiffée, maquillée rapidement, j'ai choisi un bijou à la va-vite et enfilé mon manteau « vintage » (comprendre : celui que j'ai depuis trois ans, le seul qui aille avec du rose et du grenat) et alors j'ai réalisé que mes bottes avaient grand besoin d'un petit coup de cirage.
C'est juste dans les temps que j'ai enfoncé mon chapeau rose, et je suis sortie en tâchant de gommer les traces de cirage qui me restaient sur les doigts.
Le vent soufflait fort en ce mois de décembre. Tandis que je rejoignais à pied ma destination et que la pluie massacrait le semblant de brushing que j'avais tenté de réaliser en hâte, une bourrasque particulièrement forte m'a soudain arraché mon couvre-chef.
« Le signe de reconnaissance ! C'est le signe de reconnaissance ! » ai-je crié en me précipitant à la recherche de mon chapeau rose emporté sous l'averse au milieu de la circulation.
Je l'ai ramassé et je suis enfin arrivée à destination, les bottes maculées de boue, les cheveux plats et mouillés et le chapeau profondément enfoncé sur le crâne en dépit de toute considération esthétique.
Le signe de reconnaissance était néanmoins bien pensé, puisque, à peine arrivée sur le lieu du rendez-vous, je m'entendais interpellée : « Albane ? ». Et puis j'ai eu un choc. Levant la tête pour regarder sous le rebord trop bas de mon chapeau, j'ai aperçu deux Stelda se tenant devant moi. Relevant mon couvre-chef et reprenant mes esprits, j'ai deviné que l'une était Stelda et l'autre la fille aînée de Stelda, ce que ces dernières m'ont confirmé.
Nous avons passé un excellent moment de conversation variée et animée, un moment trop court que nous avons conclu en nous promettant de recommencer quand l'occasion s'en présenterait.
Puis je suis rentrée ravie à la maison.
Ravie, et sans regret aucun pour ma robe grise : nous avons finalement pris un café en terrasse, de nuit, gardant nos manteaux bien fermés et nos écharpes nouées, dans la lueur d'une lampe infra-rouge.
De toute façon, il paraît que l'essentiel est invisible pour les yeux. Il paraît...
Je vous rassure tout de suite, ce n'est pas le mien.