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17 novembre 2011 4 17 /11 /novembre /2011 07:00

  Cela fait dix-sept ans que je n'ai pas revu Élise. Dix-sept années qui nous ont bien changées, au cours desquelles il m'arrive de penser à elle, de me demander ce qu'elle devient. Et cette nuit, je ne sais pas pourquoi, au bout de tout ce temps, j'ai rêvé que je la revoyais. Elle n'avait plus onze ans, nous avions l'âge qui est le nôtre, et, en la rencontrant à la fois plus âgée mais semblable à ce qu'elle était alors, par ce merveilleux raccourci du songe, j'ai retrouvé, aussi vifs et entiers, les sentiments d'amitié que je lui portais. Ils étaient là, enfouis, un peu oubliés, mais toujours bien vivaces, et, dans ce rêve, parfaitement réciproques.

  Autant dire que ce matin, en me réveillant, j'étais encore toute imprégnée des impressions ressenties au cours de la nuit. Ce sont de nombreux souvenirs qui me reviennent à la mémoire, des souvenirs jamais oubliés, mais que je n'avais pas eu l'occasion d'évoquer depuis longtemps.

  Nous nous connaissions depuis l'école primaire, mais c'est en nous retrouvant toutes les deux dans la même classe de sixième que nous sommes devenues inséparables. Un peu perdues dans ce grand établissement inconnu, nous nous sommes rapprochées pour n'être bientôt plus jamais l'une sans l'autre. Nous n'avions que dix ans, et c'est un peu comme si notre amitié avait prolongé notre enfance. Tandis que nos camarades, à peine quittée l'école primaire, tournaient précipitamment la page sur leurs premières années, empressés de devenir de jeunes adultes dont ils n'étaient que de grotesques caricatures, raillant avec insistance tout ce qui avait trait à l'enfance, se jetant prématurément dans ce qu'ils croyaient être l'âge de la maturité, Élise et moi, seules à l'extrémité de la cour du collège, sans nous soucier de leur jugement, assistant sans la comprendre à leur évolution, nous prolongions nos jeux d'enfants, sautant d'un banc à l'autre, sous les arbres, ou bavardant avec le sérieux et l'enjouement de notre âge.

  Élise habitait juste à côté du collège. Aussi, lors des nombreuses absences d'un corps enseignant particulièrement peu consciencieux, et notamment celles, quasi-systématiques, de notre professeur d'arts plastiques, nous nous retrouvions chez elle. Je me souviens de toutes nos activités préférées : jouer encore parfois à la poupée, répéter nos exercices de flûte à bec, disputer des parties de boggle, réaliser des mélanges de parfum à partir de petits échantillons qu'elle collectionnait dans sa chambre. Je me rappelle ce jour où, pour la première fois de ma vie, j'ai entendu parler du théorème de Pythagore, qu'elle m'avait présenté, la craie à la main, en reproduisant sur un tableau noir les explications données par son frère aîné. Nous partions, toujours un peu en retard, rejoindre le collège, courant pour arriver à l'heure au cours de l'après midi, à travers deux ou trois rues dont le tracé m'est resté présent à l'esprit. Je n'ai pas oublié cette évaluation de mathématiques, en début d'année, que nous avions mal réussie, ayant oublié pendant l'été la formule du périmètre d'un cercle et celle de l'aire d'un disque au grand dam de nos parents respectifs qui s'accordèrent pour y voir un sinistre présage pour la suite de nos études.

  Et nous nous disputions souvent. Nous étions souvent d'un avis opposé, et nous le défendions chacune vigoureusement. Mais ces disputes ne duraient jamais longtemps, et ne jetaient aucune ombre sur notre amitié.

  Nous devions être séparées à la fin de cette année scolaire. Je n'ai pas oublié le jour où, sur les marches de la cour du collège, elle m'avait annoncé le prochain départ de sa famille à l'autre bout de la France, ni la vive impression que m'avait causé cette nouvelle.

  Avec son départ, c'est un peu mon enfance qui s'est enfuie, et la rentrée suivante, où je me suis retrouvée brutalement plongée seule, parmi ces camarades de collège dont j'avais totalement ignoré l'évolution et la mentalité, toute consacrée que j'étais à mon amitié pour Élise, ne fut pas sans surprise et sans désagrément.

  Pendant plus d'un an, nous nous sommes envoyé de très régulières nouvelles. Nous nous écrivions chaque semaine. Bien-sûr, en cette époque reculée, nous ne connaissions pas l'existence du mail, et c'est par courrier, manuscrit, cacheté, timbré, que nous échangions notre correspondance.

  Mais le temps fit son œuvre, et tandis que nous approchions de l'adolescence, nos lettres s'espacèrent, jusqu'au jour où nous perdîmes tout à fait contact, si ce n'est par l'intermédiaire de nos mères qui restèrent plus ou moins en relation et grâce auxquelles nous avons su vaguement ce que chacune devenait. Je ne l'ai revue qu'une fois, un après midi, deux ans après notre sixième. Nous nous étions promenées dans son ancien quartier, et j'avais été vaguement déçue par des retrouvailles qui n'avaient pas l'entrain que je leur aurais souhaité.

  J'ai gardé toutes les lettres que j'ai reçues de Élise. Un jour, il y a quelques années, en retombant par hasard sur la boîte où je les avais conservées, je les ai toutes relues, dans l'ordre dans lequel je les avais reçues. Émue par tant de souvenirs et tant d'amitié, je me suis emparée d'un stylo et d'une feuille de papier, et je lui ai écrit. J'ai rédigé une longue lettre dans laquelle je lui ai dit tout l'excellent souvenir que je gardais d'elle, comme j'aurais aimé savoir ce qu'elle devenait, et combien j'aurais souhaité reprendre contact avec elle.

  Je n'ai jamais envoyé cette missive. Passé le premier mouvement, j'ai pensé qu'Élise avait dû bien changer, qu'elle n'était plus l'enfant que j'avais connue, pas plus que je ne ressemble aujourd'hui à l'amie que j'étais alors. J'ai eu peur de m'exposer à une déception, de la décevoir aussi, et de gâcher, en un instant, tout ce qui me reste d'elle, tous mes souvenirs intacts.

  Peut-être un jour, par le plus grand des hasards, Élise tombera-t-elle sur cet article. Qui sait. Peut-être se reconnaîtra-t-elle. Mais sans-doute n'y verra-t-elle que le récit tellement banal d'une amitié enfantine lointaine et presque oubliée.

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15 novembre 2011 2 15 /11 /novembre /2011 10:10

  Vous vous souvenez comment j'avais été recrutée d'office dans la « commission bidule » de l'association des parents d'élèves de l'école de mes enfants, et comment j'avais tenté, sans grand succès alors, de me tirer de ce mauvais pas ?

  J'ai beaucoup réfléchi. J'ai cherché une solution. J'ai échafaudé des plans, des stratégies. Et j'ai finalement pris ma décision. J'ai le plaisir de vous annoncer que je fais désormais partie de mon plein gré (enfin presque) de la « commission bidule ». Et j'ai même ouvert les portes de mon domicile pour y accueillir la deuxième réunion. Incroyable... mais vrai.

  Si cette décision vous surprend, ce que je peux comprendre, sachez que je l'ai prise, pourtant, pour une quantité d'excellentes raisons mûrement réfléchies, dont je vous donne ici les plus pertinentes :

  • Briller dans les dîners mondains chics. « Je suis co-responsable de la « commission bidule », cinq membres, quatre réunions par an, cent-vingt-deux euros de budget, vingt tasses de café, quatorze mails ». J'ai hâte de lire l'admiration dans les yeux de mes interlocuteurs.

  • Me faire des amies. Devenir une de ces mères de sortie d'école qui connaissent tout le monde, qui sont à tu et à toi avec toutes les autres, ne plus avoir à faire semblant de me passionner pour les poissons rouges lors des réunions parents-enseignants. Et me faire inviter à des dîners mondains chics.

  • Pouvoir redistribuer les rôles et répondre à mon mari qui a téléphoné ce matin « Si tu veux, là, je suis en réunion... tu peux me rappeler tout à l'heure ? »

  • Apprendre des ragots sur les enseignants, la directrice, les parents d'élèves, en faisant mine de savoir de qui parlent mes collègues de réunion quand elles appellent par leur prénom des tas de gens que je ne connais pas, mais qui m'inviteront bientôt à des dîners mondains chics.

  • Faire semblant de prendre des notes sur une feuille de papier et regarder l'heure en douce, comme à l'époque lointaine où j'étais étudiante.

  • Paraître absorbée sur ses notes lorsqu'arrive l'inéluctable répartition des tâches à l'issue de la réunion, essayer d'en récupérer le moins possible, et les plus faciles... ce que je n'ai jamais fait dans l'exercice de ma profession, bien évidemment.

  • Et, le plus important, car c'est à mes lecteurs que je pense en toute chose, avoir de quoi écrire un article pour mon blog.

  Bon enfin, ce n'est pas tout, mais il faut je me consacre à mes nouvelles responsabilités. J'ai deux coloriages à imprimer pour les grande section, tout de même.

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13 novembre 2011 7 13 /11 /novembre /2011 19:46

  Nous avons eu des nouvelles de Tante Claudine ! Vous vous souvenez que le mois d'octobre a été difficile pour Tante Claudine, avec trois deuils douloureux dont elle nous avait fait part au téléphone.

  Et justement, le 1er novembre, c'était la Toussaint. A cette date, comme beaucoup de français, son mari et elle se rendent rituellement au cimetière où reposent les membres de leur famille, juste à côté de Clermont-Ferrand.

  Ce qui nous a surpris, c'est que Tante Claudine nous a raconté avec satisfaction qu'en plus de la messe, le jour de la Toussaint, elle a assisté aux vêpres. Pourtant Tante Claudine n'est pas une grande mystique. En général, deux ou trois offices par an, comme pour beaucoup de ses contemporains, lui suffisent largement. Autant dire qu'il ne lui viendrait jamais à l'esprit de se déplacer deux fois à l'église le même jour.

  Mais il se trouve que le curé a invité ses paroissiens, lors de la messe du matin, à se réunir pour cette seconde cérémonie, en fin d'après midi, qui serait suivie d'une procession jusqu'au cimetière, avec distribution de lumignons, et prière pour les défunts.

  Tante Claudine ne pouvait décemment pas refuser cette proposition. Un tel rassemblement, la nuit tombant, au milieu des tombes et des chrysanthèmes, dans la lumière vacillante des lumignons, en compagnie d'individus endeuillés, sur un fond sonore de prières funèbres, et peut-être de quelques soupirs et sanglots. Pas tout à fait un enterrement, faute de cercueil et de croque-mort, mais presque.

  De quoi tenir jusqu'au prochain.

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8 novembre 2011 2 08 /11 /novembre /2011 09:26

  Il approche de la quarantaine, marié, père de deux enfants bien portants qu'il dépose un jour sur deux, l'un à la crèche et l'autre à l'école. C'est d'ailleurs devant la porte de l'école que nous avons sympathisé et nous les avions reçus, sa femme et lui, pour une soirée qui nous a laissé de très bons souvenirs à eux comme à nous. Leur maison récemment acquise, quoiqu'encore en travaux, est confortable, j'y ai pris un goûter au printemps dernier en compagnie de son épouse, encore en congé parental à l'époque. Ses enfants et les nôtres s'étaient bien amusés dans le jardin.

  Pourtant Xavier n'est pas toujours très détendu. Déjà, ce jour-là, où je passais l'après midi chez eux, je bavardais tranquillement avec sa femme, sur la terrasse, au soleil, satisfaite du bon moment que je passais, quand tout à coup Xavier, dont j'ignorais qu'il pouvait rentrer à 16h30, a débarqué, l'air sombre, soucieux, préoccupé par sa journée de travail. Aussi étonnant que cela paraisse, ma présence n'a pas suffi pas à le dérider. Avisant son air tracassé, avec la soudaine et désagréable impression de gêner, j'ai jugé bon d'avaler le fond de mon verre de jus de fruit, de rassembler mes troupes et de lever le camp le plus rapidement possible. Xavier n'a d'ailleurs pas insisté pour me retenir et nous a raccompagnés à la porte - les sourcils toujours froncés.

  Mais en réalité, Xavier n'avait pas spécialement passé une mauvaise journée. En fait, il est toujours contrarié. Toujours soucieux, toujours préoccupé. Avec toujours la même contracture éloquente des muscles para-sourcilliaires.

  D'ailleurs, au mois de juin dernier, Monsieur l'avait constaté en allant donner un coup de main le jour de la fête de l'école. Xavier s'était fait refiler, un peu contre son gré, lui aussi, la charge d'installer les jeux pour les enfants. Il avait passé une bonne demi-heure à se demander anxieusement où placer le stand « pêche aux canards » et à avancer le bassin et le parasol de cinquante centimètres dans un sens puis dans un autre, reculant pour juger de l'effet obtenu, incapable de se décider, écrasé par l'ampleur de la tâche et la lourdeur de ses responsabilités.

  Je crains donc un peu de le rencontrer, ce qui m'arrive pourtant, le matin, à l'école. J'ai eu le tort de lui demander il y a quelques semaines des nouvelles de la reprise du travail pour son épouse. « Ouh la la ! Tu verras quand ce sera ton tour ! » m'a-t-il lancé, sarcastique, me jetant un coup d'œil entendu et amer.

  La fois suivante, j'ai donc décidé d'aborder un autre sujet. « Hugo est content de sa rentrée ? » Air sombre, soupir. « Oui. Enfin, non, ça n'a pas été très facile ».

  Après deux ou trois expériences du même genre, j'ai jugé bon de me contenter, hier matin, d'un simple : « Comment vas-tu ? » le plus enjoué possible. Malgré l'insignifiance de la question, le froncement de sourcil s'est accentué, l'expression s'est faite plus sombre, le ton grave : « Comme un lundi ».

  Je peux vous dire que, n'ayant pas la chance de le croiser le samedi ni le dimanche, j'ai parfois l'impression que la semaine de Xavier comprend au moins cinq lundis.

  Il y a des vies plus lourdes à porter que d'autres.

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5 novembre 2011 6 05 /11 /novembre /2011 08:38

  Jusqu'à présent, Maxime était très satisfait de sa vie. Beaucoup de distractions, de nombreux amis, des loisirs personnels, un travail intéressant qui lui laisse du temps libre, des collègues agréables, le tout dans une belle ville où il se plait beaucoup.

  Pourtant, nous avons senti dimanche que cet équilibre parfait avait commencé à se briser. Une toute petite ombre dans le tableau, un soupçon d'insatisfaction.

- Alors, c'était bien le mariage de ton frère, hier ?

- Oui, enfin les mariages c'est toujours un peu pareil, on a le temps de discuter avec personne, il y a trop de monde, et puis la musique est très forte.

  Tiens, c'est dommage, j'aime bien les mariages. C'est vrai que souvent on s'ennuie si on ne connait personne, mais normalement au mariage de son frère on est sûr de s'amuser. Je change de sujet.

- Et sinon, tu es toujours content à Madrid, tu y as toujours autant d'amis ?

- Oui, mais finalement le plus souvent on ne rencontre pas les autres en profondeur, ça reste beaucoup trop superficiel.

  Avec un peu d'anxiété Monsieur et moi nous demandons intérieurement à quel niveau de profondeur Maxime situe notre amitié. Je ressers l'entrée.

- C'est vrai, mais d'un autre côté c'est agréable de voir des gens, de rencontrer de nouvelles personnes, c'est toujours distrayant.

- Oui, mais à la longue c'est un peu lassant de sortir tous les soirs.

  Comme quoi, personne n'est jamais content. Heureusement le plat a l'air de lui plaire.

- C'est drôle, parce que nous, nous ne sortons plus beaucoup, alors au contraire ça nous fait plaisir quand cela arrive.

- Oui, mais finalement, c'est mieux de vivre comme vous, comme des reclus, c'est plus naturel, c'est plus équilibré.

  Non, j'exagère, en fait il n'a pas dit « reclus ». Il se sert en fromage.

- Et tes conférences au Japon et au Mexique au printemps, c'était intéressant, tu en as profité pour visiter ?

- Oui, mais en fait il faut préparer les conférences, c'est beaucoup de travail, et puis ça prend du temps d'organiser des vacances à l'étranger, déterminer un circuit touristique, réserver ses billets.

  Bon. Peut-être envierait-il nos deux semaines de congés en Normandie, sieste – balade – plage – retour à 19 heures dernier délai. Je découpe le flan à la noix de coco. A défaut, l'exotisme est dans l'assiette.

- Et finalement, tu penses rester longtemps à Madrid ?

- C'est-à-dire que je pourrais partir, mais... pour aller où ?

  Je me demande ce que Maxime aura tiré de tout cela la prochaine fois que nous le reverrons. La rencontre de la femme de sa vie ? Une vocation de moine ? Ou bien la même vie madrilène, toujours agréable mais encore un peu plus vaine à ses yeux ? Il est temps de servir un petit alcool...

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4 novembre 2011 5 04 /11 /novembre /2011 10:13

  Dimanche soir, nous avons reçu un ami, Maxime.

  Oui, le fait paraît banal mais mérite tout de même d'être signalé à mes lecteurs.

  Car figurez-vous que le delta amical – pour les non-scientifiques, la variation totale du nombre d'amis – est nettement négative entre la fin de la vie étudiante et l'établissement d'une vie de famille, qui plus est si vous vous installez dans une région où vous n'avez jamais vécu avant de vous marier, et où la présence de vos chers bambins rend délicates les sorties inopinées au bar à tapas.

  Par conséquent, l'érosion naturelle du nombre d'amis au fil des années ne peut que difficilement être compensée par l'acquisition de nouvelles relations. Vous avez le choix entre différentes possibilités :

  • sympathiser avec la sage-femme le jour de la naissance de votre enfant. Profitez-en, c'est votre dernière sortie sans babysitter.
  • vous faire une bande d'amis formidables de vos collègues de travail. A condition qu'ils aient aussi des enfants, sinon les sorties improvisées du vendredi soir se feront sans vous. Vous pourrez toujours vous rattraper au séminaire de cohésion ou au paintball de fin d'année.
  • nouer des relations amicales avec vos voisins. Cela simplifie beaucoup les choses, et vous pouvez boire autant que vous voulez, vous rentrez à pied (attention quand-même, vous serez levé à sept heures du matin, comme les enfants, et si vous avez trop bu vous n'aurez pas eu le temps de digérer votre alcool. Sensation très désagréable garantie au réveil).
  • vous faire des tas d'amis à la sortie de l'école. Vous aurez la chance de les revoir tous les matins devant la porte de l'école, tous les midis devant la porte de l'école, tous les soirs devant la porte de l'école. Et aussi le samedi et le dimanche au jardin public. A ce rythme là vous avez intérêt à les apprécier, ou bien... bon courage.
  • lire des blogs, tenir un blog. On ne sait jamais, votre futur(e) meilleur(e) ami(e) se cache peut-être derrière une adresse URL ?

  Maxime, lui, a la chance de ne pas connaître ce genre de difficultés. Célibataire, habitant Madrid où il a effectué ses dernières années d'études, il y compte un nombre certains d'amis, d'amis d'amis, de relations, d'autres expatriés surtout, célibataires comme lui, disponibles, ayant le temps et les moyens nécessaires pour sortir fréquemment.

  Disons qu'il a à peu près autant de soirées libres dans sa semaine que nous en avons de prises en un mois – c'est ainsi.

 

(à suivre)

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26 octobre 2011 3 26 /10 /octobre /2011 07:28

  Il y a des gens qui ont le chic pour vous faire sentir, peut-être d'ailleurs sans trop le vouloir, à quel point vous n'êtes quand-même pas grand chose. Très très peu de chose. Un peu comme si Grand Schtroumpf rencontrait le même jour Napoléon, Charlemagne et César. Grand Schtroumpf a beau être le chef du village, il fait tout de même pâle figure à côté des trois autres.

  Avec Nathalie, c'est pareil.

  Et hier, en sortant les enfants au jardin du verger, je suis passée devant la maison de Nathalie, et, comme cela arrive une fois sur deux, je suis tombée sur elle. Nathalie est souriante, toujours polie, très bavarde, mais souvent pressée. Il faut dire que Nathalie a une vie bien remplie. Elle fait tout en mieux, tout en plus grand, tout en plus vite. Elle ne le fait pas exprès pour avoir l'air meilleure que les autres, même si certaines mauvaises langues pourraient le penser, non, c'est sa nature. Elle a trois fois plus d'énergie que les autres, voit trois fois plus grand, et semble disposer de trois fois plus de temps que les autres pour faire trois fois plus de choses chaque jour. Je vous explique.

  • Beaucoup de femmes ont un mari. J'ai un mari. Mais Nathalie et son mari s'aiment plus que les autres. D'ailleurs, si vous les croisez dans une soirée, vous les reconnaîtrez facilement, ils se serrent souvent dans leurs bras, tellement ils s'aiment beaucoup plus que les autres.

  • Beaucoup de gens ont des enfants. J'ai trois enfants. Mais Nathalie en a le double. Et attend son septième, en pleine forme, malgré les trajets incessants pour l'école, le collège, la garderie, le solfège, le judo, le cabinet médical, le supermarché.

  • La plupart des gens disposent d'un logement. Mon mari et moi habitons un appartement. Mais Nathalie et son mari, eux, possèdent quatre maisons dans le quartier, qu'ils louent à des particuliers, en plus de la leur, sans compter les deux studios indépendants qu'ils ont fait construire au fond de leur jardin.

  • Beaucoup de personnes ont un travail. Et se reposent, samedi et dimanche, de leurs efforts de la semaine. Le mari de Nathalie, lui, a un métier prenant, de gros horaires. Mais le week-end, il retrousse ses manches, et effectue les gros travaux d'aménagement de sa maison et l'entretien de ses autres propriétés.

  • Beaucoup de femmes ont des activités personnelles. Moi-même, comme vous le savez, je suis très fière de faire partie depuis peu de la « commission bidule » de l'école. Mais Nathalie, elle, a une profession qu'elle exerçait encore à mi-temps avant la naissance de son sixième, et se consacre à de nombreuses responsabilités associatives, des activités bénévoles, la gestion locative de leurs biens, sans compter l'apprentissage du norvégien, langue maternelle de sa belle-sœur et de ses neveux. D'ailleurs il a fallu trois mois pour que nous trouvions une date qui lui convienne pour prendre un café à la maison.

  • La plupart des gens aiment se reposer en vacances. Pendant ces vacances de la Toussaint, nous nous reposons en famille, chez nous, nous prenons notre temps. Nathalie aussi se repose, elle trouve que cela fait du bien de temps en temps de ne pas partir de chez soi. Sauf que pour mieux se reposer, elle a invité de très bons amis avec leurs cinq enfants. Tous les quinze, ils passent de très reposantes vacances. C'est ce qu'elle m'a expliqué devant sa porte tout en continuant à discuter avec les amis en question, car Nathalie est aussi capable de participer à deux conversations simultanées.

  Je n'ai pas la prétention de concurrencer Nathalie. Je ne vivrai jamais sur la même échelle, j'aurai toujours une toute petite vie gentille mais un peu médiocre en comparaison à la sienne. Et parfois, je me demande si ce n'est pas cette pensée qui donne à son expression souriante et avenante, quand je la rencontre, un soupçon de satisfaction et d'assurance.

  Vous croyez que cela l'impressionnerait si je lui dis que je tiens un blog ?

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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 08:44

Acte 1, juillet dernier, au jardin public, le parc Arborique

  Je rencontre Madame Ducour, une maman de l'école malheureusement pas encore partie en vacances. Madame Ducour va reprendre, à la rentrée prochaine, la responsabilité de la « commission bidule » de l'association des parents d'élèves de l'école. L'association, dont tous les parents sont membres d'office, compte une dizaine de commissions diverses destinées à animer la vie de l'établissement, organiser la fête de fin d'année, les ventes de gâteaux, le choix des livres de bibliothèque – bref, une vraie petite entreprise.

  Madame Ducour a besoin de monde pour la « commission bidule ». Pour différentes raisons, je ne suis pas du tout intéressée. Une autre commission, pourquoi pas, mais la « commission bidule », non. Pourtant je suis bien élevée, très polie, et je l'écoute d'un air vague et aimable, me composant une attitude savamment distraite destinée à lui faire comprendre que je n'ai aucune envie de prendre part à la « commission bidule », et essayant de changer de sujet le plus vite possible : « Et sinon, vous partez où en vacances ? »

  Je la quitte peu de temps après, fière de ma stratégie très efficace et de ma grande diplomatie. La « commission bidule », ce sera sans moi.

Acte 2, début octobre, dans la cour de l'école

  Je viens de récupérer mon fils à la fin de la matinée, l'esprit serein, le sourire aux lèvres, et je m'apprête à rentrer déguster un excellent déjeuner pâtes-steack hâché avant de reprendre le chemin de l'école une heure plus tard. Quand tout à coup, Madame Ducour surgit devant moi et, de but en blanc, me demande « Tu es toujours d'accord pour faire partie de la « commission bidule » ? »

  Non, je n'ai jamais dit que j'étais d'accord pour faire partie de la « commission bidule », et qui lui a permis de me tutoyer ? Prise au dépourvu, je baragouine que peut-être, je lirai votre mail, euh ton mail, on en reparle.

  Je rentre manger mon steack en me demandant ce qui a bien pu échouer dans ma fine stratégie du mois de juillet. Heureusement, j'ai confiance en mes talents, je vais inventer une excuse bidon, la « commission bidule » ce sera sans moi.

Acte 3, le lendemain, toujours dans la cour de l'école.

  « ALBANE ! » Madame Ducour m'interpelle d'une voix forte alors que je file déguster mon jambon-purée avec les enfants. Non mais ce n'est pas vrai, maintenant elle m'appelle par mon prénom, pourtant je ne me souviens pas lui avoir dit comment je m'appelle.

  « Alors Albane, tu as réfléchi pour la « commission bidule » ? »

  Un peu hésitante, mais sûre de l'effet escompté, je sors mon excuse bidon : « C'est-à-dire que ça va être compliqué cette année, mon mari va prendre de nouvelles fonctions, il va être très occupé, je vais tout devoir faire moi-même à la maison, j'ai peur de ne pas avoir le temps, ou peut-être juste pour donner un petit coup de main ponctuellement ».

  Regard vide de Madame Ducour.

  « Non mais tu sais, nous aussi c'est pareil, ça ne prend pas beaucoup de temps. On fait une réunion jeudi, si tu préfères à cause de tes enfants, on peut la faire chez toi ? »

  Je savais bien que mon excuse était bidon, mais Madame Ducour aurait dû comprendre que ça voulait dire non et me laisser tranquille. Et au lieu de ça, elle me propose de faire la réunion chez moi ! « On se rappelle », j'ai dit : toujours adepte de la tactique « gagner du temps ». Car mon but reste identique. La « commission bidule », ce sera sans moi .

Acte 4, le jeudi suivant

  La réunion de jeudi a été fixée par mail, mais j'ai pris bien soin de n'y répondre qu'après trois relances de Madame Ducour trois jours de suite dans la cour de l'école, afin qu'elle comprenne bien mon manque d'intérêt pour la chose. Sylvie (recrutée d'office, ce qui ne sera pas mon cas !) s'est proposée pour accueillir la réunion chez elle. Par la plus grande des malchances (ou était-ce un prétexte habile inventé par mon cerveau génial ? Personne ne le saura jamais.) une malencontreuse fuite d'eau m'empêche de prendre place au sein de la nouvelle composition de la « commission bidule ». Elles verront bien qu'on peut se passer de moi, finalement. La « commission bidule », ce jeudi matin, c'était sans moi.

Acte 5, le lendemain

  J'allume mon ordinateur. Tiens, encore un mail de Madame Ducour. Tiens, il est adressé à la directrice de l'école.

  « Madame la Directrice,

Je vous informe de la nouvelle composition de la « commission bidule » : moi-même, Sylvie X, Marie Y, et Albane. »

 

Voilà comment j'ai intégré la « commission bidule ». Je fais comment maintenant pour en sortir ?

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18 octobre 2011 2 18 /10 /octobre /2011 20:33

  Il paraît que certaines personnes ont des enfants dans le but de toucher les allocations familiales. C'est peut-être vrai, mais je crois surtout que ce qui convainc les gens de fonder une famille, c'est le magazine de la Caisse des Allocations Familiales.

  Vies de famille, ainsi s'appelle-t-il, et je l'ai reçu ce matin. Invariablement accompagné d'une offre publicitaire pour Yves Rocher, apparemment partenaire beauté des mères de famille, c'est de loin ma lecture préférée. Peut-être même avant TV magazine.

  Vies de famille vous renseigne sur vos droits. Chaque mois, il vous recommande de bien déclarer vos revenus (avec, pour vous convaincre, une photo d'une jolie jeune femme remplissant sa déclaration d'impôts avec un beau sourire et son crayon à papier). Et chaque mois, il vous rappelle à quelles allocations vous avez droit, et sous quelles conditions.

   Vies de famille est un magazine interactif. Vous pouvez poser vos questions à propos de vos prestations à la Caisse des Allocations Familiales, et vous obtiendrez une réponse en page 2. Ce qui est formidable, c'est que les lecteurs allocataires qui demandent ainsi un renseignement envoient tous spontanément une très belle photo d'eux, où ils arborent un magnifique sourire et respirent la joie de vivre. La photo est accolée à la question posée, et ce même si celle-ci ressemble à la suivante : « Mon mari et moi-même sommes séparés, je suis chômeuse et invalide suite à une tentative de suicide, combien vais-je toucher pour élever mes huit enfants ? », qu'à cela ne tienne, le grand sourire est de rigueur. Merci la CAF !

  A propos de chômeurs, Vies de famille prend soin de ses lecteurs et consacre chaque mois une rubrique entière à la recherche d'emploi. Ce mois-ci, vous saurez tout sur les réseaux sociaux et le moyen de les utiliser pour vous faire recruter. Surtout, le grand but de Vies de famille, c'est de remettre au travail toutes ces incapables de mères au foyer. Numéro après numéro, la revue leur répète inlassablement qu'elles passent à côté de leur vie, que le congé parental c'est bien (avez-vous droit au complément de libre choix d'activité ? Cf page 5), mais que plus il est court, mieux c'est, que les enfants s'épanouissent mieux quand leur maman gagne de l'argent, et que de toute façon c'est comme ça, point.

  Car Vies de famille est écrit par des professionnels, des psychologues, des psychomotriciens, des médecins, des experts qui savent mieux que vous ce qui convient à votre famille, vous qui n'êtes ni psychologue ni quoique ce soit d'autre (et qui même, parfois, êtes mère au foyer, c'est dire !). Vie de famille vous éclaire de ses lumières. Les châtiments corporels, c'est mal ; les ados ont besoin d'autorité pour se construire ; manger des fruits et légumes c'est bon pour la santé ; il faut faire vacciner ses enfants. Le guide des parents parfaits, tous les mois, dans votre boîte aux lettres !

  Et si jamais le magazine ne résout pas vos difficultés éducatives, vous pouvez poser vous-même vos questions (sans envoyer de photo, cette fois, les photos c'est juste pour les renseignements sur les prestations, en page 2). Un psychologue vous répond. Cette semaine, c'est Martine (52) qui demande si elle doit dire à sa fille de 18 ans qui sort avec un homme de quinze ans de plus, qu'elle commet une erreur. Elle fait bien de demander, car la réponse est non ! « Si elle ne vous demande rien, gardez-vous d'intervenir. » Elle est majeure, la gamine, quand-même. De quoi elle se mêle, Martine ?

  Bref, vous l'aurez compris, faites vite des enfants, deux si nécessaire, pour toucher les allocations familiales et recevoir votre magazine Vies de famille. Même si, par malheur, je viens d'apprendre dans le numéro d'aujourd'hui que Vies de famille change de formule, et ne paraîtra plus que quatre fois par an. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir lire en attendant le mois de février ?

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13 octobre 2011 4 13 /10 /octobre /2011 20:44

  Ce furent les heures les plus sombres de mon histoire. Mon espace vital était menacé, plus que menacé, envahi, et seule une extermination rigoureuse et systématique m'a valu de prendre le dessus. Pourtant, seule contre une engeance pareille, je n'aurais rien pu faire, si ce n'est fuir comme réfugiée politique quelque part, abandonnant mes biens et mon territoire à l'ennemi.

  Pour vaincre, pour balayer la domination despotique de l'envahisseur, chasser l'occupant, reprendre possession des lieux, il me fallait l'appui d'une équipe de scientifiques. Des savants spécialisés dans un art délicat, maîtrisant des connaissances complexes. Et aussi, des armes. Des armes de destruction massive, des armes biologiques, des armes mécaniques, des armes de haute technologie, enfin.

  Et puis, car c'était la guerre, il m'a fallu me débarrasser de mes préjugés. Abandonner mes scrupules, mes réticences. C'était eux ou moi, et quand il est question de survie, il n'est plus de place pour l'hésitation. Ne plus voir ses ennemis comme des être vivants, se dépouiller des sentiments les plus humains, les plus naturels, et, en serrant les dents, être prêt à tout pour sauver sa peau. Aller jusqu'à tuer.

  C'était il y a six ans. Le territoire occupé, c'était les 20 m² que j'habitais alors, étudiante, dans le 14ème arrondissement. Un petit studio au premier étage, sur cour, dans un immeuble pittoresque datant de la fin du 19ème, tout de bric et de broc, dont le plancher craquait au moindre pas, avec un voisinage cosmopolite et bigarré : des italiens bruyants, des asiatiques discrets, de chaleureux concierges polonais.

  Et puis, un jour, des souris. De minuscules petites souris qui parvinrent à se glisser à travers les trous percés dans le plancher autour des tuyaux d'arrivée d'eau. Cinq centimètres de fourrure, quatre pattes, un estomac insatiable, et une intrépidité à toute épreuve. Elles avaient repéré les lieux un week-end en mon absence, apprécié la qualité de mon matelas, savouré des restes de biscuit, goûté au confort de mon appartement, et laissé partout de jolies petites traces de leur passage. Et elles avaient décidé de rester. C'est à peine si elles avaient peur de ma présence. Cinq centimètres de fourrure m'ont chassée de chez moi. Comment aurais-je pu dormir en entendant leurs petites pattes trottiner à toute allure sur ma moquette, sur ma table, jusque dans mon lit ?

  C'est alors que j'ai fait appel aux spécialistes. Les pages jaunes, un métro, une correspondance, et j'y étais. Les spécialistes ont pignon sur rue et tiennent boutique en plein cœur de la capitale. Dès que j'ai aperçu la vitrine, avec le jaune cru de sa peinture, avec ses motifs décoratifs en forme d'insectes, avec ses faux cadavres de rats suspendus dans le vide, son étalage de pièges, de flacons aux contenus mortels, de poisons et d'appâts, ses blattes factices et ses photos en gros plans de cafards et de puces, j'ai su que j'avais frappé à la bonne porte.

Cette porte, c'est celle de la science des nuisibles.

  A la science des nuisibles, on maîtrise son sujet. J'en suis ressortie le cœur plus léger, le portefeuille aussi, certes, l'esprit rempli des savants conseils du spécialiste, et un sac jaune plein d'engin de mort et de destruction.

  Je ne vous décrirai pas par quelles atrocités j'ai dû passer pour éradiquer de mon appartement la race maudite des souris. Je vous dirais seulement que je m'en suis débarrassée, au prix toutefois d'une seconde visite à la science des nuisibles, ayant eu le tort, par souci d'économie, de ne pas suivre à la lettre les prescriptions de mon fournisseur. Car je peux vous assurer que, s'il prête à sourire aux inconscients qui n'ont pas vécu l'enfer d'une invasion de rongeurs ou autres insectes répugnants, le terme de « science » n'est pas usurpé. A la science des nuisibles, on connaît les mœurs de vos ennemis dans les moindres détails, on sait leurs faiblesses, et on dispose d'un arsenal complet d'armes sophistiquées et efficaces.

  A la science des nuisibles, on rend service à son prochain. La boutique est peut-être moins glamour que celle de Boucheron, mais si je devais n'en garder qu'une, je n'hésiterais pas à sacrifier les diamants et les rubis pour un peu de mort-aux-rats.

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  • : Les extraordinaires banalites d'Albane
  • : La trentaine, mariée, des enfants, une vie tout à fait banale en somme. Sauf que, aussi banale soit elle, la vie nous réserve toujours de pittoresques surprises. Une conversation, une gaffe, une confidence, une rencontre, une anecdote... ce sont ces faits saillants de la vie de tous les jours que je me décide à mettre par écrit.
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